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13 août 2020

Suivi de l’impact d’un naufrage : le cas du vraquier Wakashio

Contexte:

Le vraquier japonais MV Wakashio sous pavillon panaméen,s’est échoué le samedi 25 juillet 2020 sur la barrière de corail au niveau de la pointe d’Esny à Maurice ( seulement 3 kilomètre de la plage).
Le cargo transportait 200 tonnes de diesel et 3800 tonnes d’huile lourde en direction du Brésil. Le navire avait quitté la Chine le 4 juillet dernier.

Le 6 août soit 12 jours après, les autorités mauriciennes confirment qu’il y a une fissure sur la coque du navire par laquelle de l’huile lourde s’échappait en grande quantité.
L’hydrocarbure a commencé à se déverser dans le lagon du sud-est créant une nappe noire autour du vraquier et a poursuivi son sinistre parcours en direction de l’Est de l’île laissant derrière elle la désolation et une forte odeur de fioul.

Maurice a décrété l’état d’urgence environnementale pour cause de marée noire. Les autorités mauriciennes sont sur le qui-vive et la société civile mobilisée pour minimiser les dégâts.

Une évaluation journalière de la situation permet de prendre connaissance des derniers développements sur le terrain Ainsi, le drone et les images satellites sont des moyens de télédétection fiables, efficaces et accessibles pour recueillir de la donnée en vue de les analyser pour s’adapter aux évolutions.

 
Localisation de l'échouage du wakashio

Image satellite du 17 juillet 2020 ( Sentinel 2). Localisation du lagon de Pointe d’Esny avant l’échouement du MV Wakashio

 

 

Recoupement de diverses sources satellitaires pour un suivi complet.
Effectuer un suivi à partir de diverses sources satellitaires est monnaie courante. Plusieurs images haute résolution provenant de sources telles que la mission européenne Sentinel( issue du programme Copernicus) sont disponibles régulièrement Nous avons tenté en utiliser des images de plusieurs sources de faire une rétrospective du naufrage du MV Wakashio du 29 juillet au 11 août 2020.

Le 25 juillet – jour de l’échouage : 86% de l’image est recouverte de nuages. De fait il n’est pas possible de mener une analyse sur cette image. Nous passons donc directement à la scène (terme couramment employé en télédétection) suivante : celle du 29 juillet.

 

Image issue de données radar Sentinel 1 – 29 juillet 2020

Image issue de données radar Sentinel 1 – 29 juillet 2020

 

Information à noter : L’image radar du 29 juillet montre l’orientation du navire.

Le 31 juillet: Cette nouvelle image est particulièrement intéressante puisqu’elle montre le Wakashio dans une autre direction par rapport à celle du 29 juillet mais aussi on y distingue clairement, en composition RVB (Rouge, Vert, Bleu), une traînée écrue autour du bateau jusqu’au lagon.

1er août : L’image montre une diffusion de la traînée blanchâtre. L’image n’est pas disponible gratuitement, ceci est un aperçu d’une image satellite très haute résolution (50 centimètres) dont nous n’avons pas fait l’acquisition.

 

Image du 31 juillet 2020 Sentinel 2 à gauche, Image GeoEye du 1er Août 2020 à droite



 

Image Maxar 1er Août

 

 

Notre analyse sur l’image issue de la mission Sentinel 2 du 31 juillet:

Sentinel 2 produit des images de 10m de résolution. Disposer de ce type de données à cette résolution est une grande prouesse. Sentinel 2 dispose d’un capteur multispectral à plusieurs bandes dans le spectre visible mais aussi invisible de l’œil humain et c’est là son grand avantage. La grosse valeur ajoutée de la télédétection est de pouvoir créer des indices pour en extraire des éléments et des analyses.

 

Sentinel-2 Spectral bands and resolution. Source: http://esamultimedia.esa.int/docs/EarthObservation/Sentinel-2_ESA_Bulletin161.pdf

 


Ainsi nous avons calculé à partir d’outils SIG et télédétection opensource (Qgis, Grass et Orfeo toolbox entre autre), un indice couramment utilisé pour détecter le sable : le NDWI (Normalized Difference Water Index). Cette indice sert surtout à identifier ce qui n’est pas de l’eau ou de la végétation

ndwi wakashio

Normalized Difference Water Index appliqué au Wakashio

Cette analyse montre un panache autour depuis le bateau en direction du lagon. Ce panache est plus faible que celui visible sur la composition RVB mais l’indice permet d’identifier une faible dilution à l’eau du lagon et une faible présence de végétation, on peut donc imaginer qu’il s’agit de coraux détruits par le bateau et propagé grâce au courant dans le lagon.

De fait, l’analyse étant réalisée en SIG (Système d’Information Géographique), nous pouvons évaluer l’impact et la taille de la barrière de corail affectée par cette très forte turbidité.


Linéaire de corail impacté par le Wakashio. Fond Sentinel 2 : composition fausse couleur.

A noter que la barrière de corail est impactée sur une longueur de 563 mètres

Zone influencée par la forte turbidité générée par le Wakashio en date du 31 juillet

 

205 hectares ont été concernées par la diffusion de la turbidité générée par le Wakashio en date du 31 juillet 2020. L’image du 1er août montre une surface plus importante non quantifiable étant donné que la donnée n’a pas été acquise par nos soins (peut toutefois être estimé si la scène est achetée …).

 

Image satellite du 5 août. Source : Planetscope.

Le 5 août Cette image (non acquise) montre un lagon laiteux avant le déversement du fioul causé par la fissure de la coque du navire.
Le 6 août: le Wakashio est fissuré et le déversement de l’huile lourde visible sur l’image Sentinel 2 a commencé.

Image Sentinel 2 du 6 août 2020 à 10h24

 

Worldview – 7 août 2020


Le 7 août : l’image provenant de Worldview est difficile à discerner ( à cause des nuages), toutefois, on peut voir la diffusion de l’huile lourde à proximité du Wakashio.

Les images diffusées sur internet de Maxar permettent d’identifier plus précisément les évacuations du Wakashio le 7 août.

   Images worldview du 8 août. Image pour traitement pansharpening, pas très utile en analyse mais on y devine quand même les traces d’huiles.

Images worldview du 8 août. Image pour traitement pansharpening, pas très utile en analyse mais on y devine quand même les traces d’huiles.

Le 8 août: Aperçu du fioul sur l’image utilisée pour faire du pansharpening usuellement.

Le 9 août: L’image comporte trop de nuages. Sans surprise l’huile lourde suit le même chemin que les traînées blanchâtres observées précédemment. Le flux de sud-est (alizés) présent sur l’île Maurice correspond, en dehors des variations locales dues à la bathymétrie et aux marées, aux déplacements de sédiments et de l’huile lourde. Ce déplacement est d’ailleurs visible sur le modèle de Météo France :

 


Le 10 août: L’image radar ( Sentinel 1) permet d’observer l’étendu du déversement du fioul dans le lagon. Le noir foncé représente l’huile lourde déversée dans le lagon.

Image radar Sentinel 1 du 10 Août 2020. Les équipes d’intervention sont visible sur l’image

Analyse issue de l’image radar sentinel 1 du 10/08 en surimpression de l’image multispectrale sentinel 2 du 11/08

A noter que cette image peut paraître alarmiste, mais elle détecte tout rejet de pétrole y compris celui invisible à l’œil nu, pouvant laisse imaginer que l’eau est propre. 2125 hectares couvert d’une pellicule ( généralement d’épaisseur assez fine) d’huile.

 

Image Skysat du 10 août


L’image Skysat du 10 août montre que le Wakashio est très penché vers l’arrière entouré du fioul.

Le 11 août: Image très claire d’un lagon sans nuage, assez exceptionnel.

Image du lagon sud-est de Maurice le 11 août 2020

Image Sentinel 2 du 10 août à proximité de bois des amourettes. Barrage flottant apparent.

Note:
On peut analyser l’image du 11 août ou auto détecter le pétrole ou huile lourde grâce aux aux analyses semi-automatisées. En voici un modèle rapide :

Fuzzy classification using OBIA (object based image analysis) method


En voici le résultat qui permet de détecter des variations plus ou moins denses en huiles lourdes ou pétrole :

Analyse multispectrale de la répartition du déversement du Wakashio – Sentinel 2 – 11 Août 2020

 

Conclusion :
Il est donc possible de suivre les évolutions d’un navire échoué sur la barrière de corail et d’en évaluer l’impact à court terme.L’évaluation présentée ici est rapide. Une évaluation plus poussée est possible grâce à notre drone multispectral. En dehors de sa qualité de capturer des images haute résolution, le drone en milieu tropical permet de s’affranchir des nuages potentiellement présents. Ainsi, la recherche d’image satellite a été souvent sujet à la présence d’une couverture nuageuse importante.
Dans cette situation sans précédent, toute l’équipe GISCAN est mobilisée pour analyser l’évolution de la situation.

Pour plus d’informations, contez nous via : contact@giscan.com